Gender studies : une discipline pour combattre le sexisme français

Intervention au débat de Terrafemina, Paris, le 14 Novembre 2011.

Axe 1 : Gender studies, éclairage.

-Gender studies : le détour par l’anglais

-Pourquoi ce détour par l’anglais ? cette « discipline » est-elle une importation ?

En réalité bien antérieure à l’invention du terme « gender », à la fois du point de vue conceptuel et du point de vue pratique.

-Le fondement conceptuel est bien français : Simone de Beauvoir, qui a refondé la question de la différence des sexes en mettant en question sa naturalité. Et ainsi renouvelé la pensée féministe.

-Du point de vue pratique, la « discipline » issue du féminisme des années 70, en France comme aux EU, antérieure au concept de « gender » et encore plus à son acceptation en France. C’est ce qu’ici on appelle « l’institutionnalisation des études féministes », qui commence en France en 1982 avec le Colloque, Femmes, féminisme, recherche » de Toulouse. Puis l’ATP de CNRS « Recherches féministes-recherches sur les femmes » qui a produit un véritable décollage de la recherche  féministe. L’enseignement est resté longtemps marginal, clandestin. Mais en 1984 quatre postes de MCF fléchés « études féministes » (en droit, histoire et socio), en 1991 deux de plus. Dérisoire par rapport à ce qui existe au RU, en Allemagne, dans les pays nordiques… Mais le premier recensement des enseignements sur le genre (2000-2003) montre tout de même qu’il y avait alors dans les universités françaises environ 400 enseignements « sur le genre » ou prenant en compte la dimension du genre.

Pourquoi ce détour par l’anglais ? (effectivement entre les années 1980 et 2000) le terme de « genre » est progressivement préféré à celui « d’études féministes ».

-Quel est l’intérêt du point de vue conceptuel ? cf Joan Scott « le genre une catégorie d’analyse utile ». La distinction sexe/genre moins nécessaire en français (différence des sexes pas seulement biologique, inclut rôles sociaux). Elargit le champ : perspective relationnelle. L’analyse du rapport entre les femmes et les hommes, plus que la place des femmes dans (l’histoire, la société, la pensée…). Mais c’était déjà ce qu’en sociologie on appelait « Rapports sociaux de sexe ». Résistances françaises à cause de la polysémie de « genre » (genre littéraire).

(défini comme système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (L.Béréni). posture constructiviste.

-La véritable raison du détour par l’anglicisme est politique : la résistance institutionnelle à la recherche féministe, considérée comme militante, donc non scientifique. Et donc la nécessité pour l’imposer de s’appuyer sur les recommandations européennes. Le sexisme français il est bien là. Dans le glissement de « études féministes » à « études de genre » il y a l’acquiescement  à masquer ce qui choque l’institution : le point de vue affirmé. Donc édulcoration, d’autant que la plupart du temps le terme de genre il y a très peu de conceptualisation, de distinction entre sexe biologique et sexe socialement construit. Ainsi souvent on parle des genres (masculin/féminin), le mot genre remplace le mot sexe. Une résistance particulière à la prise en compte de la dimension sexuée de la réalité sociale : l’universalisme, la préférence pour les principes (l’égalité reconnue comme un principe, ne doit pas être questionnée. Comme si mettre en question la réalité de l’égalité mettait en cause son principe. La diffusion de statistiques ventilées selon le sexe, par exemple, a ainsi rencontré d’énormes résistances, tant elle paraît contredire le modèle républicain, qui interdit la distinction entre catégories ou groupes sociaux.

Une discipline : et pas un point de vue, une idéologie, une théorie

Plutôt qu’une théorie, il y a un champ de recherches (objet les rapports sociaux entre les sexes). Pas un corpus idéologique homogène, mais un champ qui traverse de multiples disciplines et renvoie à des options méthodologiques et théoriques multiples.

Ici encore, se démarquer d’un point de vue militant.  En fait dans tous les pays même processus d’institutionnalisation, (une étude commanditée par la commission européenne compare 9 pays européens : EWSI Gabrielle Griffin Women’s employement, Women’s studies and Equal opportunities, (1945-2001). Etudes féministes résultat d’une confrontation et finalement d’un compromis entre exigences féministes et exigences académiques. Dans leur évolution vers plus de rigueur scientifique, les études féministes ont eu tendance à se distinguer de plus en plus d’une démarche militante et d’une mobilisation féministe, qui d’ailleurs connaissait un reflux important dans les années 80. Critique féministe met en doute l’universalité et la neutralité proclamées du discours académique.

Axe 2 : Un blocage/conservatisme/sexisme/machisme français : y a-t-il un sexisme spécifiquement français ? une exception française en matière de rapports entre les sexes ?

Je ne pense pas qu’il y ait une exception :

-ni celle mise en avant pour délégitimer le féminisme français (Mona Ozouf, comme jadis Françoise Giroud « en France les hommes et les femmes s’aiment)

-ni à l’inverse celle qui est souvent reproché aux féministes françaises par les anglo-saxonnes.

-Peut-être plus de déni des conflits entre les sexes dans la culture française (l’idéal de l’amour courtois). Plus de valorisation de la sexualité, et de la séduction qui rend la lutte des femmes plus compliquée.

-l’affaire DSK a révélé cette dimension masquée du sexisme français. Et la différence avec le modèle américain qui sert de repoussoir. Joan Scott (théoricienne du gender, mais aussi historienne du féminisme français : dans La citoyenne paradoxale, insiste sur la contradiction entre deux universaux de la culture française : l’universalisme républicain et l’universalisme de la différence des sexes).  Au moment de l’affaire DSK elle lance une offensive violente contre « le féminisme à la française », accusé de tolérance à l’égard des comportements sexistes.

-L’affaire Boutin et les livres scolaires de SVT a mis le projecteur sur cette question.  Gender studies posture constructiviste contre conception fixiste d’un invariant naturel.

Radicalisation de la posture constructiviste  depuis une 20 aine d’années, objet construction sociale du sexe biologique, de la dichotomie mâles/femelles.

L’affaire DSK.

En quoi les gender studies apportent à la réflexion sur ces sujets de société ?.

Objet de la question : l’identité (féminine/masculine), question sur la différence des sexes (nature/culture, biologie/construction sociale).

Discipline pour combattre dit bien l’utilité politique de la démarche.

Utilité sociale et politique. C’est l’offensive qui est révélatrice

-C.Boutin, députés et sénateurs UMP, la droite populiste (D.Tillinac Valeurs actuelles « Cette altérité est contestée dans ses fondements par une nouvelle vague de féminisme -les gender studies- venue d’outre-Atlantique en soutien logistique de notre beauvoirisme national » : danger des stéréotypes à la Mars et Vénus pour les filles comme pour les garçons