Le féminisme aujourd’hui pas un mouvement social, (pas une troisième vague) trop peu unifié sur objectifs communs. Mais il y a un renouveau du féminisme, après une période de backlash, ou un ressac. Un rapport complexe avec l’image du féminisme 1970’s.
Le mouvement des 70’s s’est dissout dans la société qu’il avait irriguée. Il a essaimé en associations diverses, mobilisées autour d’un objectif particulier. Professionnalisation pour les chercheuses, (de plus en plus éloignées du féminisme militant), et dans le travail social. + féminisme institutionnel.
Et puis a connu un renouveau certain dans les années 90, :
Nouvelles mobilisations, forgé de nouvelles alliances,
Nouvelle génération
Nouvelles controverses.
l’année 1995 conférence mondiale sur les femmes de Pékin, a re-légitimé questions des femmes (féminisation de la pauvreté, violences, faiblesse des progrès depuis la première conférence de 1975. Comparaisons montre France très en retard sur participation des femmes. Offensive du Vatican contre le droit des femmes à disposer de leur corps et son alliance avec les Etats théocratiques (catholiques et musulmans). L’avortement est devenu le principal enjeu du conflit entre religion.
De plus en France, 1995 c’est le retour de la droite au pouvoir, et on voit que les acquis restent fragiles. (Menaces sur le droit à l’IVG, retour d’une vision traditionnelle du rôle des femmes, d’une influence de l’Eglise la + rétrograde).
L’opposition au gouvernement de droite s’est retrouvée, et les droits des femmes ont été le thème unificateur. Grande Manifestation pour les droits des femmes, (25 novembre 95, à l’initiative de la CADAC), où se sont retrouvés partis de gauche, syndicats, et diverses associations. Mobilisation significative d’une volonté de lutte et d’unité entre des organisations, très divisés par ailleurs, qui s’accordent, sur une question qui n’est pas centrale pour eux. Mais cela donne une légitimité politique au féminisme, capable d’agréger des forces politiques diverses, d’autant que la manifestation va se révéler être le signe avant-coureur du mouvement social de novembre -décembre 95. A la suite de cette manif, création d’une structure pérenne de concertation : le Collectif national des droits des femmes.
Le CNDF ne correspond pas à un changement de génération. Il est animé par des féministes issues de la tendance « lutte des classes » du Mouvement des années 70, ou des militantes syndicales et politiques formées à cette époque. Mais stratégique différente de celle des 70’s. Les féministes ne cherchent plus l’autonomie politique du féminisme, mais le soutien aux droits des femmes par l’ensemble des organisations du mouvement social. Et celles-ci rectifient leurs erreurs d’appréciation des années 70 en particulier PCF apporte son appui à la cause des femmes sans prétendre l’inféoder à la lutte des classes ou en prendre la direction.
Nouvelle génération :
Différents groupes ou collectifs de jeunes se créent dans les années 90 : Marie-pas-claire, Mafalda, CARES, Mix-cité…, . Se disent féministes ou préfèrent d’autres appellations (anti-sexiste). S’inscrivent dans la filiation du Mouvement des 70’s (transmission, de mère à fille, par des enseignements féministes ou des rencontres) ; mais aussi se démarquent de façon très nette.
Différences entre féminisme 1970’s et celui du tournant du siècle :
-La question de la mixité / non-mixité
-L’articulation du féminisme avec un engagement politique
-Le rapport aux institutions.
1) La question de la mixité :
Difficile pour nous féministes des années 70 d’imaginer un mouvement féministe sans la non-mixité.
-(non) mixité : acte fondateur des « mouvements 2° vague », Choix politique : Autonomie politique du mouvement, rupture avec hommes, découverte de l’entre-nous forge le sentiment d’identité. En rupture avec le modèle français d’universalisme républicain.
Or c’est un fait qu’il faut essayer de comprendre : les groupes féministes des années 1990 et 2000 sont le plus souvent mixtes.
Exemple : Mix-cité (L’association fondée à la suite des Assises des droits des femmes de 1997) annonce dans son intitulé et institutionnalise dans son fonctionnement ce qui le distingue du féminisme précédent : la mixité. Le féminisme, défini avec précision dans ses statuts. Ne marque ni rejet, ni fascination pour le MLF, mais fait des choix opposés à ceux qui ont fait la magie du MLF avant de causer sa perte. Elle se méfie de la spontanéité et formalise une organisation claire, dans des statuts précis, rediscutés et mis à jour en fonction des problèmes rencontrés. La désignation des portes parole et la part respective de chaque sexe dans la direction sont prévues. On distingue le « personnel » du « politique » et on pose des gardes fous, comme si le bilan avait été tiré de l’expérience passée.
2) -L’intégration du féminisme à un engagement politique plus général :
Commissions femmes (ou anti-sexiste) de partis ou syndicats, de groupes anti Le Pen, d’associations diverses. Le féminisme est une composante nécessaire d’un combat politique, qui ne s’y résume pas.
Exemple : Pro-choix. Se définit par le « droit de choisir » : articulation des luttes féministes, gaies et lesbiennes, anti-racistes et anti-fascistes… pour une prise de conscience égalitaire, laïque et respectueuse des libertés individuelles (droit à l’avortement bien sûr, mais aussi le choix de sa sexualité (et de l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels), ou encore droit de choisir sa mort. Une revue mensuelle depuis 1997. Les recherches menées par Fiametta Venner et Caroline Fourest (sur les réseaux anti-avortement, sur l’extrême droite, sur le poids des religions, sur un nouvel anti-sémitisme), les ont amenées à se mobiliser particulièrement contre l’islamisme et pour la laïcité.
–Le lien entre féminisme et laïcité, c’est ce qui caractérise aussi le mouvement Ni putes, ni soumises, mais on peut y ajouter cette autre particularité
3)-d’un rapport aux institutions et aux médias :
-apparu sur la scène publique en 2003, rejoignant la manifestation du 8 mars après une marche à travers la France. Il dénonçait la régression de la condition des femmes dans les cités, les « tournantes » (viols collectifs) et la terreur que faisaient régner de jeunes caïds (avec le cas de Sohane, brûlée vive dans un local à poubelle pour avoir défié leur loi) et le développement de l’intégrisme religieux. Composé de jeunes filles des cités, critiquant le « féminisme qui a déserté les cités », il prenait bien la suite du combat des années 70.
-Contrairement à celui-ci, il n’exprimait aucune méfiance à l’égard du pouvoir, ni des medias. Au nom la République, qui leur avait appris à l’école les valeurs de liberté et d’égalité, la laïcité leur apparaît comme une protection contre l’obscurantisme et l’enfermement communautariste. Sa trilogie républicaine : Egalité, Mixité, Laïcité ! Pour elles (et eux) le retour du voile islamique est le symbole de la régression dans les quartiers (avec la recrudescence des mariages forcés). Ils ont donc pesé de tout leur poids en faveur de la loi interdisant les « signes religieux ostensibles » à l’école.
S’appuyant sur la République, NPNS adressait ses requêtes au gouvernement (de droite), a invité des Ministres et des hommes politiques à ses « universités ». Et ceux-ci s’y sont bousculés. Finalement sa présidente Fadela Amara a cédé au Président Sarkozy et accepté un poste de Secrétaire d’Etat à la Ville.
Le succès médiatique de ce mouvement et le soutien gouvernemental à son égard ont très vite éveillé la méfiance. Certain-e-s ont considéré que le combat de NPNS,en mettant l’accent sur ces violences là, aboutissait à stigmatiser le « garçon arabe » [Guénif-Souilamas et Macé, 2006], à montrer du doigt certaines populations comme si elles étaient toutes entières et seules responsables des violences à l’égard des femmes ?
Il est vrai que dans le débat qui a abouti au vote de la loi de mars 2004, interdisant à l’école les signes religieux ostensibles, l’argument de l’égalité des sexes a été mis en avant, bien au-delà des milieux féministes. Et par des responsables politiques qui ne s’étaient pas beaucoup souciés de la cause des femmes.
Alors certains, à l’extrême gauche notamment (et même parmi les féministes « historiques ») ont dénoncé cette loi comme étant raciste « une loi d’exception, « frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme ».
Cette controverse, autour de la loi de mars 2004, et plus largement de la question du voile islamique, et de la place de l’islam dans la République divise les féministes, les anti-racistes, les différents courants politiques.
Ce n’est pas la seule contradiction parmi les féministes. La loi sur la parité a été l’occasion d’une mobilisation large et efficace. Elle a aussi été très critiquée parmi les féministes, (dont moi), parce qu’elle renvoie à une vision traditionnelle d’une différence des sexes, ancrée dans la nature et la biologie.
La question de la prostitution divise aussi les féministes, entre un courant majoritaire, abolitionniste, qui voit la prostitution comme un asservissement des femmes et des groupes pour lesquels la prostitution peut être un choix, l’exercice du « droit de disposer de leur corps ».
Mais la controverse autour de la place de l’Islam dans la vie publique, est la plus importante, parce qu’elle touche à l’identité de la France. Avec son modèle politique et social : la République qui promet à tous ses enfants la liberté, l’égalité, la fraternité, et qui transforme les immigrés en citoyens. La laïcité ce qui garantit l’unité de la société en renvoyant au privé ce qui la divise (comme la religion).
On a donc d’un côté le mouvement Ni putes, ni soumises, qui en appelle à la République et à ses valeurs pour qu’elle garantisse l’égalité des sexes, par la mixité et la laïcité. Et de l’autre ceux qui considèrent les valeurs de la République comme un camouflage du néo-colonialisme. Pour ceux qui se disent « Indigènes de la République », la laïcité, et l’égalité des femmes et des hommes ne sont que des prétextes.
Des deux côtés, ce sont des jeunes filles issues de l’immigration qu’on veut soutenir. Celles qui veulent afficher leur religion et leur singularité dans l’espace public ou celles qui s’identifient aux valeurs « universalistes » et attendent que la république les leur garantissent.
Pour moi, qui ai participé au combat féministe des années soixante dix, au changement du modèle dominant des relations entre les femmes et les hommes. Il ne peut pas y avoir d’hésitation. On ne peut que soutenir le combat de celles qui veulent continuer le nôtre et refusent la régression.